Vous avez dit : " antisémitisme "?

Publié le lundi 20 novembre 2023Rédigé par Aloïs Lang-Rousseau
Vous avez dit : "antisémitisme" ?

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Vous avez dit : "antisémitisme" ? Depuis les attentats islamistes du Hamas, notre regard s'accentue sur l'antisémitisme dans le paysage politique français. Alors que le R.N. souhaite témoigner d'un apaisement en trompe-l'oeil, la gauche directement dans la complaisance avec l'antisémitisme. en cause : ses basses raisons électorales. Abordons ces tendances, et dénonçons celles qui pourraient encourager ou relativiser une tournerie aussi délétère que celle-ci.

"Quand c'est flou..."

Il y a quelques années, la figure idéologique de Jean-Marie Le Pen, évoquait l'antisémitisme, le Front National premier cité parmi les principaux mouvements. Aujourd'hui, Le Rassemblement National a vidé son sac programmatique. Il a retiré les propositions monés en épingle par les média. Mais comme dirait la philosophe Martine Aubry :  "Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup". Premièrement, consiidérer le paramètre idéologique sans entrevoi le moindre aspect de stratégie électorale, relèverait d'une naïveté éliminatoire. Aucun renoncement programmatique ne signifie obligatoirement que la mentalité des cadres ou militants du parti aurait évolué.

L.R. se resserre sur un corpus libéral-conservateur.

Ce procédé répond naturellement à la stratégie, entamée par François Mitterrand et que le R.N. prolonge à sa guise : épouser progressivement l'électorat gaulliste social et eurosceptique du regretté R.P.R.. Un électorat, en somme, entrant en cohérence avec les ouvriers du Nord arrachés jadis au P.C.F., tout aussi eurosceptiques, pouvant parfois témoigner d'un certain conservatisme. Aujourd'hui, cette normalisation par inhibition fonctionne de telle manière que L.R. se resserre sur un corpus libéral-conservateur... mais peu libéral pour ne pas se confondre avec Renaissance... ni trop conservateur à cause de Reconquête qui revendique ce créneau...

Certains veulent sortir de l'Euro, d'autres le maintenir...

Par ailleurs, méfions-nous d'un mouvement politique qui viderait la substance de son projet sans s'atteler à la conquête d'un nouveau créneau d'idées. La mue vers le gaullisme n'est qu'incomplète puisque le volet économique, la participation, reste murmurée par les lepénistes. La seule entité à avoir réellement travaillé cette sensibilité est le micro-parti : "L'Avenir Français", issus d'anciens soutiens de Nicolas Dupont-Aignan. Pour le reste, les cadres s'expriment de manières toujours aussi contradictoires que sous l'ère Philippot. Certains veulent sortir de l'Euro, d'autres le maintenir fermement. Cinquante nuances de souveraineté sont évoquées dans cette marmite de punaises de lit allant dans tous les sens. Or, cela est compréhensible; le vide idéologique créé n'est pas comblé.

Les départs du Front et du Rassemblement se sont faits rares

Alors, l'ensemble constitue, en outre, et les résultats en témoignent, une réussite électorale. Certes, la S.à.R.L. Le Pen a réussi à s'attirer les cadres de l'aile gaulliste du R.P.R. et les Insoumis, tous en manque de souverainisme, déçus du virage de la France insoumise amorcé par Manuel Bompard, en 2018. Mais les requins de l'ère du père demeurent toujours. Un certain nombre a rejoint l'Assemblée Nationale. Ce renouvellement partiel garantit donc, par rapport à l'état initial du F.N., une menace moins impotante à l'égard des Juifs; "une progression", pourrait-on éventuellement dire. Mais les cadres antisémites sont toujours là. Ils sont, toutefois, rendus moins visibles par près de dix ans de stratégie politique. Les départs du Front et du Rassemblement se sont faits rares (le Parti de la France, Civitas et le SIEL sont pratiquement inexistants), et pour partie, n'ont aucun lien avec la question du rapport aux juifs (Les Patriotes, Reconquête). Les vieux sont restés. Certains d'entre eux sont devenus, aujourd'hui, parlementaires.

Zemmour perçu comme un immigré juif, archétype de l'ennemi...

Le cas de "Reconquête" mérite une brève précision. Quelques-uns y voient le retour de la ligne politique du père Le Pen, confirmée, en partie, par présence de Marion Maréchal. Mais les choses ne sont pas aussi simples. Tout parti adoptant un fonctionnement bonapartiste croît des qualités de son inspirateur... et souffre de ses faiblesses. Une frange non négligeable de l'extrême droite complotiste sur la question juive, allant des Nationalistes de Benedetti à Civitas en passant par le Mouvement National Démocrate et Égalité et Réconciliation, ne peuvent pas accepter la candidature Zemmour. Celui-ci est perçu comme un immigré juif, soit l'archétype de l'ennemi selon les tenants de cette mouvance. Si l'on y ajoute la proximité du polémiste avec l'homme d'affaires Bolloré, le complotisme de l'extrême droite antisémite fait le reste et élimine directement l'option "Reconquête".

Le principal moteur de Reconquête reste le conservatisme.

Pourtant, certaines exceptions demeurent ! Le Parti de la France a très vite soutenu la candidature de l'auteur du "Premier sexe", tout comme Hervé Ryssen ou encore Daniel Conversano. Nul doute que le positionnement public de l'ancien chroniqueur d'"On n'est pas couché" sur Pétain et les juifs français a pu y contribuer. Le principal moteur de Reconquête reste le conservatisme, l'opposition à l'immigration et celle de l'islam, tout en prônant une économie libérale et de nombreuses privatisations de services publics dont l'audiovisuel étatique. Le parti zemmouriste relève donc de l'œcuménisme de droite, allant de la droite la plus traditionnelle à l'extrême droite la plus radicale et confidentielle. L'antisémitisme n'étant pas un critère fondamental, certains aspirants à cette mouvance ont pu y trouver leur compte et figurent parmi les membres du parti.

Certains députés comparent le Hamas à une forme de résistance.

La mouvance la plus motrice de polémiques est sans nul doute celle du candidat Mélenchon, non pas parce qu'elle n'était pas attendue, mais parce que peu d'entre nous avaient prévu que les insoumis tomberaient aussi bas : pas de condamnation claire du caractère terroriste du Hamas, enfermement dans une diatribe anti-Netanyahu rapidement généralisée à "Israël", attribution à l'État de Canaan de crimes qu'il n'a pas commis, condamnation unilatérale de toute opération militaire émanant du pays sans remarques équivalentes à l'égard des attaques palestiniennes... Certains députés comparent même le Hamas à une forme de résistance. L'extrême droite antisémite caresse même les prises de position dont témoignent certains insoumis, à l'instar de Jérôme Bourbon, responsable de la très antisémite revue Rivarol, et d'Alain Soral.

Soyons objectifs !

La France insoumise n'avait pas adopté cette ligne politique lors de la campagne présidentielle de 2017. La mue a eu lieu l'année suivante avec la gestion du parti par... Manuel Bompard, déjà lui. Les tenants de l'aile souverainiste (Georges Kuzmanovic, François Cocq) et républicaine (Charlotte Girard, Liem Hoang-Ngoc) sont peu à peu marginalisés ou chassés, tandis que sont promus Mathilde Panot, Farida Amrani (proches du Parti des Indigènes de la République) et David Guiraud. Le point de non-retour est, sans nul doute, la très controversée marche du 10 novembre suivant les européennes, "contre l'islamophobie", organisée par des militants défrayant la chronique pour leur haine d'Israël et parfois de honteux calembours à coloration antisémite ("petits fours"...).

La requalification de L.F.I. en parti d'extrême gauche en quête d'électorat communautaire se confirme.

Étape confirmée, ensuite, par les Municipales de 2020. Argenteuil (Omar Slaouti, ex-NPA), Saint-Denis (présence sur la liste de Madjid Messaoudene), Bobigny (transfuge de l'UDI communautariste) Stains (soutien au controversé Azzédine Taïbi), Bordeaux (Philippe Poutou, NPA)... La requalification de L.F.I. en parti d'extrême gauche en quête d'électorat communautaire se confirme. C'est sur cette ligne que Mélenchon aborde la présidentielle de 2022, en multipliant les réflexions provocatrices, voire complotistes. Les autres partis de gauche, désireux de sauver les meubles, n'ont pas été gênés par ces outrances en vue des élections législatives. Jusqu'à maintenant...

Les campagnes de Lyon et Strasbourg confirment latendance communautaire.

Cette ligne de complaisance, issue de la gauche intersectionnelle, E.E.L.V. l'avait adoptée depuis un moment. La rupture avec François Hollande a créé l'occasion d'une reconversion idéologique des Verts, déjà gauchisés, depuis 1994. Émergent alors les démarches communautaires, notamment à Grenoble, ville dirigée par Éric Piolle. Les municipales de 2020 confirment cette tendance, les candidats "Verts" s'inspirant de l'"exemple" grenoblois. Les campagnes de Lyon et Strasbourg confirment tout particulièrement cette tendance communautaire, la maire Jeanne Barseghian a retiré le drapeau d'Israël depuis le débordement du conflit israélo-Hamas.

La posture bipolaire permet à la formation de Marine Tondelier de qualifier le Hamas de terroriste !

Mais au grand contraire des Insoumis, les écologistes E.E.L.V. ont toujours tenu à maintenir un courant socialiste, presque social-démocrate, au sein du parti incarné par Yannick Jadot lors de la primaire écologiste. Un choix cohérent avec leur positionnement pro-européen et atlantiste. La mouvance verte est donc éternellement divisée entre aventures populistes personnelles, à l'instar de Sandrine Rousseau, et une colonne vertébrale moins marquée, bien que souvent martyrisée par des déclarations... originales. Cette posture bipolaire permet à la formation politique de Marine Tondelier de qualifier le Hamas de terroriste, tout en invitant Médine à ses universités d'été, tout en marchant contre l'antisémitisme, tout en disant vouloir transformer l'Assemblée Nationale en ZAD... Trop de politique tue la politique !

Chez ces nouvelles personnalités, l'antisémitisme est bien moins répandu.

L'extrême droite n'est donc pas moins antisémite qu'auparavant. Mais elle le deviendra ! Ce processus s'inscrit sur un temps long car la retenue du R.N. et de "Reconquête" permet à de nouveaux visages de rejoindre ces deux partis et d'émerger. Chez ces nouvelles personnalités, l'antisémitisme est bien moins répandu. Ils émanent, souvent, des partis traditionnels, de droite comme de gauche. Les vieux démons, eux, sont bien restés. Ils ne partiront pas d'eux-mêmes. De moins en moins puissants, leur renouvellement est bloqué par la normalisation que le R.N. s'impose. Par ailleurs, face à l'islamisme (et pour certains, face à la seule existence de l'islam en France), la coopération avec la communauté juive est acceptée, dans un contexte où celle-ci souffre tout particulièrement des hostilités croissantes des communautés islamiques les plus rigoristes.

Une France insoumise, qui drague les communautés et adopte leurs postures les plus radicales et haineuses.

La gauche n'est pas responsable dans sa totalité de la montée de la complaisance insoumise avec l'antisémitisme. Elle en subit cependant collectivement les conséquences, du fait de la participation des quatre grands partis à la NUPES. Laquelle n'est pas encore enterrée définitivement. Elle pourrait faire peau neuve lors des prochaines élections parlementaires, par simple instinct de survie. Une situation particulièrement inquiétante, avec l'absence totale d'autocritique du côté de la France insoumise, qui, à force de draguer les communautés, adopte leurs postures les plus radicales et haineuses. Qui eût cru qu'en 2023, un parti de gauche fût perçu comme aussi dangereux pour les juifs que le Rassemblement National, dont la normalisation n'est pas terminée ?

 

Nous, républicains, avons deux extrêmes à combattre. Et si nous ne sommes pas naïfs sur la persistance d'un antisémitisme à l'extrême droite, sa progression à gauche nous alerte davantage à juste titre. Nous ne pouvons pas excuser cette hausse quand l'extrême droite prend le chemin inverse. Car le jour où tous les partis seront perçus comme dangereux, le R.N. interpellera les électeurs pour la seule raison qu'il n'a jamais été envisagé au pouvoir. Et ce jour pourrait arriver plus vite que prévu...

 

 
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